L’un des chercheurs associés au CESDIP, Jean-Hugues Matelly, est actuellement sous le coup d’une procédure et d’une menace de sanction tout à fait disproportionnée (radiation des cadres de la gendarmerie) par la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale. Le motif : avoir cosigné, en tant que membre associé à notre équipe de recherche, et avec deux chercheurs CNRS de notre laboratoire, un article, certes critique (mais c’est le propre et le prix d’un travail scientifique qui a pour fonction d’analyser, évaluer, comparer…), sur les réformes en cours dans la Gendarmerie Nationale.
Il est clair que le statut militaire de Jean-Hugues Matelly (Chef d’escadron de la gendarmerie) le soumet à certaines obligations. Toutefois, il n’a pas signé l’article incriminé ès qualités, mais bien en tant que chercheur associé au CESDIP-CNRS. Ce statut lui a été conféré à l’unanimité de nos membres compte tenu de son parcours scientifique. Rappelons qu’il est titulaire d’un doctorat en Science Politique et auteurs de plusieurs ouvrages reconnus par la communauté scientifique et que ses activités de recherches s’exercent en dehors de ses fonctions militaires.
Les deux chercheurs titulaires qui ont cosigné l’article avec lui (Christian Mouhanna et Laurent Mucchielli) ont tous deux travaillé sur la Gendarmerie et avec des gendarmes de tous grades et de toutes fonctions. Ils éprouvent de surcroît un véritable attachement à cette institution. L’article publié dans la revue Pouvoirs Locaux et résumé sur le site de Rue89 vise à participer à un débat public sur l’avenir de la Gendarmerie. Qu’il soit l’objet d’une procédure nous interroge – et interroge au-delà toute la communauté scientifique – sur la possibilité de pouvoir travailler sur ce sujet à l’avenir, d’autant que, depuis la suppression du Centre de Prospective de la Gendarmerie Nationale, il devient de plus en plus difficile de coopérer efficacement avec cette institution. Il faut souligner les conséquences qui pourraient en résulter pour les gendarmes amenés à participer, à un titre ou à un autre, à des travaux sur ce thème. Toute participation de ces personnels à des travaux de recherches risque désormais d’être entachée soit du soupçon de manque de neutralité, soit de la menace de sanctions par la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale.
Il est évident que l’article que nous avons publié sur la Gendarmerie émet des réserves quant aux conséquences de son rapprochement avec la Police Nationale, mais il ne s’agit aucunement de remettre en cause l’autorité hiérarchique, ni de critiquer en tant que telle l’institution. Bien au contraire, attachés au modèle de la Gendarmerie, nous croyons important de souligner que celui-ci, et plus généralement le modèle français de sécurité en milieu rural, est pertinent et combien toute réforme se devrait d’en tenir compte. Il nous semble important, voire de notre devoir, en tant que chercheurs et en tant que citoyens, de participer au débat sur ce sujet et notre opinion soit débattue.
À cet égard, il semble que la gendarmerie préfère écarter toute discussion, en utilisant une procédure réservée jusqu’à présent aux comportements délictueux, ce qui constitue un précédent choquant et s’apparente à un délit d’opinion.
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