Par Nicolas Fischer. Le territoire de l’expulsion. La rétention administrative des étrangers et l’Etat de droit en France, 2017.
Les centres de rétention administrative sont aujourd’hui des relais essentiels du contrôle de l’immigration irrégulière. Ils relèvent d’un schéma répressif inhabituel en démocratie : héritiers des camps d’internement du passé, ils permettent en effet l’enfermement extra-judiciaire, sur décision d’un préfet, d’étrangers qu’il ne s’agit pas de sanctionner mais seulement de maintenir sous contrôle pour mieux préparer leur « éloignement ». Mais ce format particulier de répression est également à l’origine de la critique de la rétention : sommés de respecter « l’Etat de droit », les centres se doivent de respecter concrètement les droits fondamentaux des personnes. C’est à ce titre que des militants associatifs spécialisés dans le droit des étrangers y interviennent depuis 1984.
En s’appuyant sur les résultats d’une enquête ethnographique de 5 mois dans un centre de rétention, cet ouvrage revient sur les paradoxes engendrés par cette configuration inédite. Comment le droit est-il mobilisé en rétention, avec quels effets sur la mise en œuvre ordinaire de la force publique ? Que dire de l’activité critique d’acteurs associatifs tout à la fois militants et partie intégrante de l’institution ? Autant d’interrogations qui concernent les sociologues de l’Etat et du droit, et plus largement le public intéressé par une description du contrôle des étrangers tel qu’il s’effectue concrètement.
Immigration detention centers are key devices in current immigration control. But they remain problematic institutions in a democracy. They are first a remote heritage of past internment camps, and allow the non-judicial detention, on an executive decision, of immigrants who are not locked up to be punished but only to remain under control as their forced removal is prepared. They were howerver created in states that comply with the « Rule of law », and as such they immediately had to include garanties to protect fundamental rights, and to hire Human Rights organizers who act as staff members dedicated to making these garantees effective.
Drawing on a 5-month ethnographic survey inside a center, this volume describes the multiples paradoxes created by this unusual situation. How are legal provisions used in detention, with what effects on the enforcement of deportations ? How can one account of the critical activity performed by organizers who are both independent lawyers and part of the detention staff ? These questions concerns sociologists focused on the study of law and the state, but also citizens interested in a description of the actual enforcement of immigration control.