par – novembre 2010
L’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP) vient de diffuser des résultats sommaires de l’enquête annuelle de victimation cadre de vie et sécurité (CVS) réalisée par l’INSEE au début 2010.
Sur ces chiffres, le monde scientifique ne peut rien dire pour le moment : l’observatoire officiel organise un embargo à son bénéfice de sorte que l’INSEE ne peut communiquer les données de l‘enquête 2010 aux centres de recherche qu’en 2011. Seul l’accès aux données permettra leur analyse vraiment scientifique.
De toute manière, seule l’étude de ces enquêtes sur le plus long terme possible permet de dégager des tendances qui ont vraiment un sens. Une hausse ou une baisse n’a pas le même sens selon qu’elle s’inscrit dans la continuité d’une tendance de long terme ou en rupture avec elle.
Mais l’ONDRP ne fait remonter son analyse qu’à l’enquête réalisée en 2007. C’est en effet à cette époque que le ministère de l’Intérieur a obtenu de l’INSEE le lancement des enquêtes cadres de vie et sécurité (CVS).
Il est cependant possible de remonter plus haut : avant les enquêtes CVS, l’INSEE réalisait chaque année depuis le milieu des années 1990 des enquêtes sur les conditions de vie des ménages (EPCVM) qui comprenaient un petit module de victimation. Antérieurement au milieu des années 1980, le CESDIP avait mené à bien, avec un financement du ministère de la Justice, une première enquête nationale de victimation. Négliger ces précédents pour donner l’illusion que tout commence avec l’ONDRP constituerait, vu le coût des enquêtes, un énorme gaspillage d’argent public. Dans une étude récemment parue dans une revue de l’INSEE, Économie & Statistique, nous avons démontré qu’il était possible de surmonter les difficultés de raccordements entre enquêtes anciennes et enquêtes nouvelles. En outre, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France réalise, depuis le début des années 2000, des enquêtes de victimation en Île-de-France qui sont tout à fait remarquables par la taille de l’échantillon et la stabilité du questionnaire utilisé.
Pour sa part, le Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CESDIP, CNRS, Université de Versailles-Saint-Quentin, ministère de la Justice) confronte sur le plus long terme possible toutes les mesures de la délinquance, statistiques de police, enquêtes de victimation ou de délinquance autoreportée, recherches sur le coût du crime, statistiques sanitaires, enquêtes de santé publique (voir nos publications sur ce site)…
Si l’on fait masse, avec les précautions d’usage, de toutes les données disponibles, il est possible de dire :
- Les atteintes contre les biens connaissent, dans le dernier quart de siècle, une certaine érosion qui ne début certes pas en 2007 ; mais cette baisse est loin de compenser l’énorme explosion qui a marqué selon toute vraisemblance le quart de siècle précédent depuis le début des années 1960 ; en outre, par suite des effet de déplacement dû à la meilleure protection des logements et des véhicules, la baisse du cambriolage et du vol de voitures est partiellement compensé par la hausse des vols violents.
- Les agressions connaissent dans le dernier quart de siècle une hausse marquée ; toutefois les homicides sont à leur plus bas historique ; les atteintes physiques restent à un niveau modéré sans tendance nette ; au contraire, la violence de basse intensité (menaces, injures, racket…) se situe maintenant à un niveau élevé.
- Des enquêtes dans le domaine de la santé (Baromètre Santé, Évènements de vie et Santé, Escapad) amènent à penser que tant les enquêtes de victimation que les statistiques de police prennent sous-estiment la violence subie par les jeunes.
- Toute ces victimations sont peu traitées par les institutions pénales. Les atteintes contre les biens, y compris les vols violents, sont dans l’ensemble assez signalées par les victimes à la police, mais celle-ci parvient rarement à donner suite à l’affaire. Parmi les agressions, seules les plus sérieuses sont signalées, mais elles ne sont pas très nombreuses, et la masse de la petite violence l’est très faiblement.