Étude comparée : Angleterre, Espagne, Roumanie, Suède et France
Jennifer BOIROT est doctorante au CESDIP et ATER en science politique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle termine une thèse sur l’évolution du rôle des experts psychiatres dans les affaires de crimes sexuels en Europe.
Pour la Justice contemporaine, établir la vérité d’un crime ne revient plus seulement à déterminer son auteur et lui appliquer une sanction légale, mais également à comprendre les motifs et circonstances du passage à l’acte pour mieux prendre en charge le criminel. L’avènement de la psychiatrie et de la psychologie a permis aux experts de ces disciplines d’apporter des éléments jugés désormais indispensables dans l’appréhension de la personnalité du mis en cause, l’explication des faits et leur traitement judiciaire. Dès lors, l’expert psychiatre est devenu un rouage essentiel du processus pénal et judiciaire en Europe. Cependant, ces évolutions, ont eu des résonances distinctes dans la construction de l’organisation de l’expertise psychiatrique pénale au niveau national.
L’enquête menée à l’étranger (en Angleterre, Espagne, Roumanie et Suède) a révélé de grandes disparités concernant le statut de l’expert et l’organisation « institutionnelle » de l’expertise psychiatrique. L’observation de la dynamique de construction de l’expertise permet de saisir au plus près les enjeux liés au rôle de l’expert psychiatre dans le processus pénal et judiciaire en Europe à chaque stade de la procédure (de la phase d’instruction jusqu’au procès, de la réception de la mission à l’utilisation du rapport).
Le statut hybride de l’expert psychiatre en Europe, entre « simple » collaborateur occasionnel exerçant l’expertise comme une activité complémentaire (Angleterre, Espagne, France), ou fonctionnaire d’État exerçant cette activité à temps plein (Suède, Roumanie), influe sur la façon dont l’examen sera réalisé. D’une expertise « publique », collégiale et pluridisciplinaire (Roumanie, Suède), à une expertise « privée » et individuelle (Angleterre, Espagne, France), les moyens d’actions et outils utilisés dans la construction du rapport diffèrent. Pour autant, le contenu des rapports, quant à lui, présente de grandes similitudes : les questions de l’évaluation de la responsabilité du sujet, de sa dangerosité et du risque de récidive, forment le « squelette-type » de l’expertise psychiatrique pénale. Cette convergence témoigne d’une certaine homogénéité quant à la conception de la mission de l’expert psychiatre au sein des cinq pays étudiés.