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Carla Nagels (ULB/CRPSD) est docteure en criminologie, licenciée en sociologie, professeure à l’Ecole des sciences criminologiques Léon Cornil de l’Université libre de Bruxelles.
Depuis plusieurs années,elle privilégie comme thème de recherche la déviance commise par les élites dans leur cadre professionnel. Les mécanismes de réaction sociale formelle (administratives et pénales) ont été au centre de ses préoccupations ainsi que leur articulation spécifique. Elle a, entre autres, dirigé, avec Anthony Amicelle (université de Montréal), un numéro spécial de la revue Champ pénal/Penal Field (vol. XV, 2018) sur ce sujet qui avait un double objectif : actualiser l’utilisation du concept d’illégalismes de droits (Foucault, 1973, 1975) par la communauté scientifique et s’intéresser aux institutions de réaction sociale spécifiques qui le prennent en charge (détection, poursuite, sanction). Elle a également publié avec Pierre Lascoumes un ouvrage sur la Sociologie des élites délinquantes dans la Collection U chez Armand Colin en 2014, qui a fait l’objet d’une réédition actualisée en 2018.
Je propose de présenter les résultats d’une observation menée pendant plusieurs mois dans des chambres correctionnelles à Bruxelles spécialisées dans les matières entrepreneuriales. Le système pénal – ses principes et sa structure – semble avoir beaucoup de difficultés à accueillir ce type de contentieux. La rencontre entre un univers infractionnel particulier – les illégalismes de droits – et une institution pénale amenée à les juger ne se fait pas sans heurt. En réalité, l’outil pénal contribue précisément à déséquilibrer les parties en présence en se mesurant à des justiciables et des illégalismes singuliers. Les illégalismes de droits restent difficilement appréhendables par le système pénal, échappant en grande majorité à son emprise réelle, soit parce que ce type d’illégalismes n’est pas adapté à une mise en forme pénale (une intention coupable à relier avec un comportement individuel pénalement sanctionné), soit parce que les représentations véhiculées autour des illégalismes de droits ne concordent pas avec la rationalité pénale moderne (Pires, 1998, 3-51, 83-143) : ils ne sont pas considérés comme graves et ne méritent dès lors pas une peine sévère dont l’objectif est la mise à l’écart de la vie sociale.