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Etre protégé, jugé et puni

28 juin 2018 - 29 juin 2018

Usages du droit, pratiques d’intervention et effets sur les populations en France et au Québec

Colloque Etre protégé, jugé et puni : Usages du droit, pratiques d'intervention et effets sur les populations en France et au QuébecCe colloque, organisé par Céline BELLOT (Travail social, UdM et Observatoire des profilages) et Elise Lemercier (sociologie, Université de Rouen Normandie, Dysolab), avec le soutien du CR 34 de l’AISLF, se déroulera les 28 et 29 juin 2018, à l’Université de Rouen Normandie.

 

Si l’influence du droit et de l’institution judiciaire, notamment dans son versant pénal, est communément rappelée dans l’étude de la question sociale, les frontières institutionnelles de ces deux champs ont peu fait l’objet d’investigations par les sciences sociales. Depuis les prémisses des politiques sociales, les actions d’assistance en faveur des plus pauvres sont combinées avec des logiques de contrôle et de normalisation de leurs pratiques, où le rôle de l’institution judiciaire a été parfois central, par exemple suite à la création d’un délit de vagabondage inscrit dans le code pénal de 1810. Plus récemment, c’est la criminalisation et la pénalisation de la pauvreté qui a fait l’objet de recherches, notamment sur les effets des politiques dites de « de tolérance 0 » sur les populations les plus précaires.

Ce colloque international se propose de poursuivre ces investigations sur les emboîtements, les combinaisons voire les tensions entre les politiques sociales, les politiques des droits et les politiques pénales et criminelles en tirant profit des développements récents de la sociologie des politiques sociales, des institutions, de la science politique et de la sociologie politique du droit. Comment s’articulent les logiques d’action publique entre le champ du social et le champ judiciaire ? Quel sens peuvent alors prendre les idées de la justice et de la justice sociale ? Comment comprendre le recours au droit, et ses effets, dans la prise en charge des problèmes sociaux ?

 

D’une manière générale, le rôle du droit, tout comme celui du système judiciaire apparaissent plus que jamais cruciaux dans la production des politiques publiques, notamment du fait de la pénétration des discours du droit dans le champ politique et de l’accroissement du rôle des tribunaux dans la mise en œuvre de l’action publique. Qu’en est-il dans le champ des politiques sanitaire et sociales, et notamment de l’intervention sociale ? Il s’agira également d’examiner les reconfigurations des modes de gouvernement des populations façonnées par l’évolution de la place du droit et du système judiciaire dans la conception et la mise en œuvre des politiques sociales.

Cela implique de s’interroger d’une part, sur les conséquences des évolutions des politiques pénales et criminelles vers une action pré-crime plutôt que post-crime : état d’urgence, mais aussi de manière plus générale, les politiques de tolérance zéro, les contrôles des populations tels que les Roms et les réfugiés, la mise en œuvre des contrôles judiciaires sans crime etc. Dans le même temps, le système de justice développe des interventions se voulant plus thérapeutiques, avec une volonté forte de collaboration avec les milieux d’interventions sanitaires et sociales. C’est par exemple le cas au Québec avec l’émergence des tribunaux en santé mentale, en violence conjugale ou en toxicomanie.

D’autre part, les institutions sociales et sanitaires ont recours de plus en plus aux tribunaux pour soutenir leurs décisions, leurs orientations et leurs plans d’intervention. De même, la montée des logiques d’activation et de responsabilisation dans les politiques sociales s’inscrit-elle dans des modélisations punitives, mais aussi des logiques de performances qui imposent un cadre plus autoritaire aux pratiques d’intervention. Dans un tel contexte, ce colloque se propose de mettre en lumière et de questionner ces processus autour de trois pistes de réflexion :

 

  • Les processus de juridicisation et (dé)judiciarisation des problèmes sociaux

De quelles manières et sous quelles formes le système judiciaire contribue-t-il aujourd’hui à la construction et au traitement des questions sociales ? Quels sont les secteurs du social les plus touchés par ces processus de judiciarisation et avec quelles limites ? Que produit le codage juridique des questions sanitaires et sociales, par exemple sur la qualification des situations permettant d’ouvrir des droits sociaux ? Quels mouvements sociaux et quelles catégories de professionnels s’emparent-ils du droit et de la justice pour prendre en charge les problèmes sociaux ?

Ces processus toutefois, rencontrent des limites qu’il convient aussi de mettre en évidence. Quelles stratégies de contournement ou de résistance à ce processus de judiciarisation sont-elles développées et par qui ? Comment émergent des politiques de déjudiciarisation visant à replacer la défense des droits et la mise en œuvre de réponses sociales plutôt que pénales ? De quelles manières les chercheur.e.s contribuent à ces processus ?

 

  • Reconfigurations des normes professionnelles et des frontières institutionnelles ?

Des recherches récentes ont démontré le rôle central de l’Etat dans la structuration d’une politique des droits, c’est-à-dire visant à favoriser l’effectivité des droits, par exemple dans le champ du logement. Qui sont les groupes professionnels promoteurs d’une telle politique, dans et en dehors de l’Etat ? Qui portent les revendications de juridicisation et/ou de (dé)judiciarisation dans le traitement des questions sociales au croisement des secteurs de la justice, de l’éducation, du sanitaire et du social ? En quoi ces évolutions politiques reconfigurent les mandats, les sources de légitimité et les pratiques des professionnels de ces différents champs ? Quels enseignements peut-on en tirer sur les recompositions institutionnelles, par exemple sur l’évolution des frontières entre institutions ?

 

  • Les inégalités d’expériences du droit et de la justice par les populations ciblées par les politiques sociales selon le genre, l’origine, la classe et l’âge

De manière non exhaustive, une piste d’analyse suggérée ici pourra viser à interroger les inégalités d’expériences du droit et de la justice par les populations ciblées par les politiques sociales. A la suite des recherches ayant démontré la gestion différentielle des illégalismes, il s’agira ainsi d’interroger l’hétérogénéité des contraintes exercées par le droit selon les catégories de population. Qui est contrôlé•e, jugé•e, protégé•e et/ou puni•e ? Quels groupes ont recours au droit et à la justice pour faire reconnaître leurs droits sociaux ? Quels décalages existent-ils entre leurs aspirations et les pratiques ? Comment l’hétérogénéité de l’application des normes juridiques participe-t-elle de la (re)production des rapports sociaux ou de la redistribution des ressources ?

 

Ce colloque a également comme objectif de rendre visible une diversité de méthodes de compréhension de ces tensions entre les réponses sociales et les réponses pénales et criminelles dans la gestion des problèmes sociaux. Que ce soit à partir d’entretiens avec des professionnels, de recherche-action, de démarche ethnographique, d’études de cas, d’analyse des données administratives et cliniques, le colloque vise à soutenir la rencontre d’une diversité de chercheur•e•s et de professionnel•les pour tracer les contours tant de la juridicisation et de la judiciarisation et de leurs effets sur les populations ciblées, que de la déjudiciarisation et de ses conséquences sur les droits sociaux des individus.

 

Télécharger l’appel à communication du Colloque

Lieu

Site de Mont Saint Aignan, Maison de l’Université – Salle de conférences
place Emile Blondel
Mont-Saint-Aignan, 76821 France
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Téléphone :
02.32.76.92.00
Site :
http://mdu.univ-rouen.fr/
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