Aline Désesquelles, démographe et directrice de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined), est une spécialiste de l’analyse des causes de décès et des problématiques sanitaires en milieu carcéral.
Annie Kensey, démographe, cheffe du bureau de la donnée à la direction de l’administration pénitentiaire, chercheure associée au CESDIP, est spécialiste des questions pénitentiaires.
Laurent Toulemon, démographe et directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined), conduit des recherches sur l’étude de la fécondité et des structures familiales.
La littérature internationale sur les déterminants de la récidive est abondante et variée, et il est difficile d’en tirer des conclusions définitives. Un certain nombre d’études ont cependant fait le constat d’un moindre risque de récidive chez les personnes ayant bénéficié d’une peine alternative à la détention. L’effet criminogène de la prison, à travers notamment la mise en relation avec d’autres délinquants ou criminels, est une explication possible de ce résultat. Inversement, les peines alternatives à la détention sont moins stigmatisantes et limitent le risque de rupture biographique, notamment sur le plan professionnel. En France, une expérimentation locale menée dans quatre juridictions a montré que la conversion de la peine de prison en mesure de placement sous bracelet électronique entraînerait une réduction significative de la probabilité d’une nouvelle condamnation dans un délai de 5 ans. À l’échelle nationale, les données les plus récentes disponibles concernent une cohorte de 8 419 personnes dont l’écrou a été levé entre le 1er juin et le 31 décembre 2002.
Les nouvelles condamnations de ces personnes ont été recherchées dans le Casier Judiciaire National en 2007 et en 2008, de manière à pouvoir étudier la récidive cinq ans après la libération. Kensey et Benaouda ont ainsi montré que si la fréquence de la récidive s’élevait en moyenne à 46%, elle était significativement plus élevée chez ceux ayant exécuté l’intégralité de leur peine en détention (56%) que chez ceux ayant bénéficié d’une libération conditionnelle (30%) ou d’un autre aménagement de peine (47%). Ce résultat restait inchangé une fois prises en compte un certain nombre de caractéristiques individuelles des sortants. Les auteurs concluaient ainsi : « L’effet de l’aménagement de la peine à la sortie est quant à lui bien confirmé. Mais ces résultats n’indiquent pas forcément un lien de causalité. Si le suivi à la libération a probablement des effets en lui-même, la sélection des libérés (par eux-mêmes ou par l’autorité judiciaire) a des conséquences qui ne sont pas épuisées par le contrôle des facteurs renseignés dans l’enquête. Il est normal de penser que cette sélection favorise, toutes choses égales par ailleurs, ceux dont le risque de récidive est évalué au plus bas – par exemple, les personnes ayant fait preuve de bons comportements en détention, ou ayant un projet particulièrement solide de réinsertion, éléments que nous n’observons pas dans ces données. »
L’objectif de cette étude est d’affiner l’estimation de la relation entre aménagements de peine et récidive en tenant compte, dans la modélisation, du tribunal de grande instance auquel les détenus sont rattachés. Pour préciser ce que l’on peut attendre d’une telle modélisation, il faut revenir sur la distinction entre deux types d’effets qui interviennent dans cette relation : les effets de sélection et les effets causaux.