Par Frédéric OCQUETEAU (juillet 2017)
Ce rapport est issu d’une réflexion d’étape et d’une enquête préalablement centrée sur l’élaboration d’un code de déontologie commun à la Police et à la Gendarmerie nationale en janvier 2014.
Il est rapidement apparu qu’il fallait inscrire dans une temporalité plus longue ce moment normatif symbolique de la promulgation d’un corpus de droits et devoirs commun aux agents des deux institutions de la sécurité publique, pour mieux en saisir la portée. C’est pourquoi il inscrit sa genèse dans un processus complexe de « rapprochement » progressif des missions des deux institutions civiles et militaires depuis les années 1980 (chapitre 2). Il s’appesantit sur le contexte social, administratif et politique ayant présidé à trois moments décisifs qui ont cristallisé des rapprochements de politique publique décisifs entre les deux institutions régaliennes au point de les rendre irréversibles : la LOLF, qui a conduit en 2006, à prescrire des objectifs de sécurité globale communs aux deux forces dans une conjoncture de réforme des corps et des carrières de la police nationale ; la politique de la RGPP initiée en 2007 en réduction conjointe des effectifs qui s’est poursuivie jusqu’en 2014, avant de subir une nouvelle inflexion politique à la hausse en 2015 (chapitre 1) ; enfin, la réforme de 2009 qui a permis de rattacher, sous certaines conditions, la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur (chapitre 3).
Ces trois moments ont constitué un tournant majeur dans l’histoire des rapports mouvementés des deux institutions de l’appareil de sécurité intérieure français. Le dossier de leur éventuelle « fusion » fut tellement politisé que l’on put croire un temps à une normalisation européenne par un effet de civilianisation des polices militaires perçues comme anti-démocratiques. Civiliser la gendarmerie au point de la fondre dans un corps unique de police civile, ce programme ou cet objectif pouvait-il réellement aboutir en France ? Le rapport montre que si certains syndicats policiers firent résonner ce son de cloche aux oreilles du personnel politique, l’hostilité de la hiérarchie gendarmique campée sur la défense de la militarité de ses valeurs et de son personnel, eut assez vite raison de cette idée de « fusion », finalement délaissée comme un essai non transformé. Le Code de déontologie commun aux deux forces pouvait alors être assumé au sein d’un compromis où la gendarmerie sut sauvegarder la spécificité de son propre corpus de valeurs (chapitre 4), et que les deux institutions étaient prêtes à en faire passer le message pédagogique dans leurs écoles respectives (chapitre 5).
Le rapport insiste enfin sur la part qu’ont prises récemment de nouvelles figures de régulation extérieures, tels le Défenseur des droits, dans les rapports conflictuels opposant des citoyens aux forces de l’ordre ; et celle de nouveaux dispositifs de prévention interne des conflits au sein des deux hiérarchies (chapitre 6). Il suggère que ces nouveaux dispositifs périphériques n’ont pas encore détrôné de manière décisive l’impact et le poids des inspections internes modernisées sur le plan disciplinaire, ni contribué à rendre la Justice pénale plus attentive aux déviances policières. En revanche, le rapport fait l’hypothèse que les citoyens en quête d’égalité et d’équité de traitement se montrent de plus en plus vigilants à l’endroit de l’effectivité des pratiques policières déontologiques.