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Sacha RAOULT est maître de conférences à Aix-Marseille Université (Laboratoire de droit privé et de sciences criminelles, Laboratoire méditerranéen de sociologie). Il étudie la production de la recherche scientifique sur les politiques pénales et sur les politiques économiques, en particulier dans le monde anglo-saxon. Ces principaux travaux récents sont :
Il prépare actuellement un livre sur l’efficacité des peines et ce séminaire porte sur le premier jet de ce livre.
Depuis les années 1970, on recense dans le monde anglo-saxon plusieurs milliers de recherches qui se donnent pour objectif de quantifier l’efficacité des peines à réduire la délinquance. Ces travaux essaient par exemple d’évaluer si les peines plus sévères dissuadent les criminels potentiels ou dans quelle mesure on peut identifier les condamnés à haut risque de récidive et allonger leur incarcération pour les neutraliser. Ils sont conduits dans des traditions concurrentes (par des économistes, psychologues, psychiatres, politologues, sociologues etc.) et donnent des résultats très divers.
La préoccupation principale des acteurs de ces recherches est de comprendre pourquoi il se trouve tellement de résultats contradictoires dans les champs où ils opèrent. A cette fin, ces acteurs développent un métadiscours : un discours scientifique sur les discours scientifiques sur l’efficacité des peines. On peut classer ces métadiscours dans deux catégories complémentaires. Un premier type de métadiscours porte sur les processus de recherche à proprement parler : « les résultats diffèrent car la méthode ou l’objet diffèrent ». On cherche alors les données, les périodes, les contextes plus ou moins favorables à tel ou tel résultat, on méta-analyse le champ. Un deuxième type de métadiscours porte sur les a priori des chercheurs : ce seraient les conflits d’intérêts, l’idéologie, les paradigmes différents qui expliqueraient cette diversité de résultats.
Ma recherche porte sur un échantillon de 290 de ces travaux. Je m’interroge sur les méthodes que les acteurs mobilisent pour juger de la vraisemblance de tel ou tel type de métadiscours. Je propose le recours à des méthodes standardisées pour évaluer certaines de leurs hypothèses, lorsque ces méthodes sont utilisables. Dans les autres cas, je fais un essai de transposition méthodologique, c’est-à-dire que j’applique dans la mesure du possible à chaque catégorie de discours le type de méthode quantitative utilisée dans les autres catégories de discours. Ma conclusion est que les acteurs ont tendance à surestimer le rôle des processus de recherche et à sous-estimer celui des a priori – bien que les deux niveaux d’explications aient des impications très différentes mais complémentaires pour les politiques publiques.